« Il n’y a point de génie sans un grain de folie »
Le joker, le fou, l’excuse, l’idiot, l’aventurier, l’explorateur, le mat, le fol, le fada, « il matto » et il y a bien d’autres noms que cette carte pourrait porter. Trouver le nom de cette carte n’est pas évident pour un jeu comme l’oracle de Marseille qui se veut avoir une vision plus contemporaine tout en préservant une certaine tradition. Dans le tarot de Marseille le plus ancien, cette carte sans numéro porte le nom du fou, « le fol » exactement. Mais il semblerait qu’il s’agit d’une erreur de traduction du mot italien « il matto », qui veut dire « fou » mais qui a des origines plus lointaines, notamment de l’arabe « mat » qui signifie « mort ». En effet, ce terme est régulièrement employé dans le jeu d’échec, ne dit-on pas échec et mat ? Le mat apparaît comme celui qui est abattu, affligé, humilié et surtout vaincu. Nous garderons la terminologie « Le fou » en référence latine au bas latin « follis », qui a pour traduction le ballon de baudruche, dans le sens gonflé d’air. On comprendra que la tête du fou est remplie d’air, de creux, de vide, d’une certaine manière, il est dérangé et a perdu son esprit.
D’une manière plus contemporaine, certaines de nos expressions pourraient lui convenir, « il est gonflé », « avoir l’air bête », « avoir la tête creuse », « un vent de folie », « il ne manque pas d’air », « avoir l’air stupide », « perdre ses esprits ». D’autres expressions existent au défaut de toutes les citer, la notion du simple d’esprit est encore bien présente de nos jours. Le fou peut être ainsi un idiot, stupide, sans réflexion et agaçant, voir curieusement dérangé. D’autres notions se sont ajoutées avec les jeux de cartes, notamment l’excuse ou encore le joker. Le joker, mot anglo-saxon, définit un potentiel infini et nous ramène dans nos retranchements de bonne conduite. Avoir un joker, c’est également la solution inattendue, celle qui tombe par chance à pique. De manière plus courtoise, dans le jeu de tarot en Europe, le fou était régulièrement appelé « excuse ». En effet, l’excuse est une façon très romantique de présenter un prétexte pour éviter une mauvaise passe. Les excuses sont faites pour s’en servir. On comprend qu’il y a alors 2 camps qui détermine l’arcane du fou, celui de la raison et celui de la folie.
Le fou nous rappelle à tous notre positionnement dans notre vie, car il est l’irraisonné. Il est un curseur de la normalité, ou vous aurez entendu l’anormalité. Nous sommes dans nos sociétés constamment dans le raisonnement, et le fou est situé sur le spectre radicalement opposé. Il nous interroge, nous interpelle sur notre propre folie, sur nos vies. Par ailleurs, le fou est également un bouffon, un homme ridicule. Les bouffons sont présents pour amuser et divertir, notamment lors de leurs premières apparitions au XIVe siècle. Est-on prêt à dépasser nos limites ? Est-on prêt à s’aventurer dans des contrées inexplorées, ignorant les risques ? Certains s’y sont aventurés et y ont perdu la vie, d’autres, on en construit des biens plus palpitants. Si certains ont radicalement changé et évolués en suivant la voie du fou, cela nous interroge : le fou est-il un élément moteur de transformation humaine ? Faut-il avoir un vent de folie pour retrouver la raison ?
Le fou, est-il réellement un fou ? Sommes-nous tous fous ? Le joker nous ramène à l’essence des vérités établies, car ce qui est fou pour l’alpiniste, c’est de rester dans son fauteuil devant sa télévision, mais pour celui qui est dans son fauteuil, c’est l’alpiniste en haut d’un sommet et dans la glace qui risque à chaque instant sa vie et d’être emporté par une avalanche. Le danger, le fou s’en moque, car seul la vie lui incombe. Le but de sa vie, c’est qu’elle doit être vécue tel qu’elle est avec ses risques. La normalité est une norme. Ma norme n’est pas celle des autres, et vis versa. Qui définit la norme ?
Revenons à notre point de départ, le fou et le mat nous disent la même chose. La vie doit être vécue car nous sommes tous mortels, et nous allons tous vers le même endroit. Cette dualité du raisonnable et de l’irraisonnable, du vagabond et du sédentaire, sur les normes établies, nous interroge sur notre degré de folie. Son chien, ami et fidèle compagnon est dans la raison. Va-t-il le suivre dans ce chemin ? Son sceptre endiablé lui soufflerait-il des mots ou des maux irraisonnables ? C’est aussi une question très intéressante. Quand nous perdrons l’esprit, on entend régulièrement « je n’étais pas moi-même ». Alors quid, qui étais-tu ? Qui a pris la place de ce « je » ? Qui s’est incarné dans ton corps ? Et toi, le fou est-il en toi ?
Inconscient
Irraisonnable
Normalité
Bouffonnerie
Folie
Voie
Conscience
Risques
Danger
Limites
Croyances
Indulgence
Excuses
Idiotie
Immorale
Cadre
Dérangé
